Quarante-deux psychiatres, psychologues et universitaires ont publié une lettre ouverte la semaine dernière appelant à un « débat national sur l’euthanasie et la maladie mentale » en Belgique. « L’euthanasie comme réponse à une souffrance psychologique insupportable et inutile est véritablement problématique », écrivent-ils, « il s’agit de personnes qui ne sont pas en fin de vie et qui en principe, pourraient vivre encore longtemps et, par conséquent, il faut être extrêmement prudents à la fois sur le plan clinique et légal ». La loi actuelle ne définit pas précisément les critères exacts d’une souffrance psychologique intolérable, elle conduit à un « no man’s land légal ». La décision dépendrait ainsi « simplement de la manière dont un psychiatre interpréterait ou testerait les symptômes » du patient « en fonction de ses propres hypothèses ».
Cette déclaration intervient alors que les « observateurs internationaux s’alarment de plus en plus de l’évolution de la situation » et qu’un conflit oppose sur ces questions Lieve Thienpont, psychiatre, qui a procédé à l’euthanasie de nombreux patients sur base de leur souffrance psychologique, et Wim Distelmans, Chef de la commission fédérale sur l’euthanasie et « un des médecins les plus éminents de l’euthanasie en Belgique ».
Wim Distelmans dit avoir été « choqué » du manque de respect des critères belges de l’euthanasie dont Lieve Thienpont a fait preuve envers ses patients atteints de troubles mentaux.
Selon Ignaas Devisch, bioéthicien à l’université de Gand en Belgique, décider d’euthanasier une personne autrefois capable d’autodétermination et désormais « incapable d’articuler leur pensée d’une manière appropriée » révèle « un gigantesque problème ». Et une psychiatre raconte que « curieusement les personnes souffrant de troubles mentaux moins sévères et facilement traitables demandent plus l’euthanasie que les patients sérieusement malades. L’euthanasie est devenue un nouveau symptôme, souvent un appel à l’aide “Est-ce que je vaux encore la peine de vivre ou est-ce que tu m’abandonnes ?” … mais ce symptôme a des conséquences particulièrement dangereuses ». « Depuis la loi sur l’euthanasie, il y a comme une forme de folie dans notre travail : alors que nous avons toujours dû être vigilants aux menaces de suicide en tant que psychiatre, il y a maintenant la menace de l’euthanasie. »
Dans un récent livre publié aux presses universitaires d’Oxford, Euthanasia and Assisted Suicide : Lessons from Belgium, David Albert Jones[1], Chris Gastmans[2] et Calum MacKellar[3] soulignent le manque de transparence du système : « Seize membres seulement supervisent des milliers de cas » d’euthanasie. Un seul cas a été référé à un procureur et ils estiment que « seulement la moitié de tous les cas sont signalés ». « La mort par euthanasie en Belgique n’est généralement plus regardée comme une exception, nécessitant un recourt juridique spécial. Elle est très souvent considérée comme une mort normale et même un avantage, qui ne doit pas être restreint par des justifications particulières ».
[1] Du centre d’Oxford Anscombe Bioethics en Angleterre.
[2] De la faculté de médecine de la KU Leuven en Belgique.
[3] Du conseil écossais de bioéthique humaine.