Certains se réjouiront de ce que le pire a été (provisoirement ?) évité grâce à l’adoption du texte de compromis concocté par la majorité, mais, pour les défenseurs de la vie, c’est une nouvelle défaite : c’est ainsi que le délai pour pratiquer un avortement est repoussé de 12 à 18 semaines ! Ce qui est particulièrement inquiétant, c’est qu’il n’y a plus aucune formation politique pour se désolidariser de ce type de décision, même pas le cdH, cet héritier rabougri de ce qui fut jadis le parti catholique. Quant aux écologistes, ils souscriraient à une loi dépénalisant totalement l’avortement car tout, dans la nature, mérite d’être protégé sauf les petits d’homme en gestation qui peuvent être envoyés sans le moindre scrupule dans les poubelles des avortoirs…
D’Annick Hovine sur le site de la Libre :
La commission de la Justice de la Chambre approuve la sortie du Code pénal de l’IVG
Le texte déposé in extremis par la majorité a été voté mardi soir sans amendements. Débat tendu.
La tension était palpable, mardi, en commission de la Justice de la Chambre, où on poursuivait le délicat débat sur la dépénalisation, plus large ou non, de l’avortement. Et pour cause. Le dépôt, mardi dernier, par quatre députés de la majorité (le MR David Clarinval, l’Open VLD Carina Van Cauter, la N-VA Valérie Van Peel et la CD&V Els Van Hoof), d’une proposition de loi visant à sortir l’interruption volontaire de grossesse (IVG) du Code pénal, a coupé l’herbe sous le pied de l’opposition laïque.
PS, Défi, Ecolo-Groen, SP.A et PTB venaient de s’accorder sur un texte commun dépénalisant quasi totalement l’avortement. Cet amendement, rédigé à la suite de l’audition d’une vingtaine d’experts, supprime du Code pénal le chapitre consacré à l’IVG toujours considéré comme “un crime contre l’ordre des familles et la morale publique”.
Quasi dépénalisé
Surtout, il allonge le délai autorisé par la loi de 1990 pour pratiquer un avortement de 12 semaines à 18 semaines de grossesse. Le délai de réflexion de 6 jours, imposé à la patiente avant de recourir à l’IVG, jugé culpabilisant, est ramené à 48 heures, voire à néant en cas d’extrême urgence. Et il supprime la notion d’état de détresse de la femme. En cas de non-respect de ces nouvelles conditions, très élargies – en clair : si l’avortement est pratiqué au-delà de 18 semaines – le médecin risquerait des sanctions pénales. Mais plus les femmes.
Du côté de la majorité, l’Open VLD avait déposé une proposition très semblable (IVG autorisée jusqu’à 18 semaines). Et, sachant qu’au MR, le vote sur les questions bioéthiques est laissé à la libre conscience des parlementaires, une majorité alternative existait sur papier.
Potentiellement explosif
Mais ce scénario était potentiellement explosif pour l’équipe de Charles Michel. La dépénalisation de l’IVG ne figure pas dans l’accord gouvernemental. Et on sait que le CD&V et la N-VA y sont farouchement opposés. Il fallait trouver une porte de sortie. D’où le compromis que la majorité a sorti, in extremis, de son chapeau.
Il prévoit de retirer l’avortement du Code pénal pour l’inscrire dans une loi spécifique. Les conditions principales d’accès à l’IVG prévues par la loi de dépénalisation partielle de 1990 ne sont pas modifiées. Le délai légal maximum dans lequel peut se pratiquer une IVG reste à 12 semaines de grossesse, même si le texte précise qu’il pourra être prolongé de 6 jours (soit la durée du délai de réflexion, maintenu “sauf raison médicale urgente”) au cas où la femme se présente à la consultation in extremis. Dans la pratique, on pourrait arriver à quasi 13 semaines de gestation.
Pour les demandes tardives d’IVG (au-delà de 12 semaines), les femmes devront donc être dirigées, comme aujourd’hui, vers un centre aux Pays-Bas. Elles sont entre 500 et 1000 chaque année.
Un “copier-coller”
En cas de non-respect de ce dispositif, les sanctions pénales restent exactement les mêmes que dans la loi de 1990, tant pour les femmes que pour les médecins. Sur ce point, la nouvelle loi est un “copier-coller” de la loi de 1990. Si l’IVG sort du Code pénal, elle n’est pas dépénalisée.
L’opposition crie au leurre. Elle dénonce aussi un marchandage qui offre aux opposants à l’avortement (entendez la N-VA et le CD&V) une reconnaissance symbolique d’un statut au fœtus en cas de fausse couche. Au cours de la négociation intramajoritaire, il a fallu, de fait, leur donner des gages. Un accord est donc intervenu sur un avant-projet de loi permettant aux parents qui le souhaitent de déclarer un enfant né sans vie après une grossesse de 140 à 179 jours. Dans l’accord gouvernemental, l’équipe Michel s’était engagée à aboutir sur ce dossier.
Donnant-donnant
Pour les défenseurs du droit à l’avortement, l’inscription d’un fœtus dans un registre d’état civil risque d’empiéter sur l’IVG. Il y a des précédents. La Hongrie a reconnu le statut de personne à l’embryon dans sa Constitution de 2012 : depuis lors, les femmes ne peuvent quasiment plus y avorter même si la loi les y autorise.
Dans sa proposition de loi initiale sur les bébés nés sans vie, le CD&V plaidait pour une reconnaissance très précoce du fœtus né sans vie : à partir de 85 jours, ce qui correspond à 12 semaines de grossesse. Un abaissement qui aurait anéanti les possibilités d’allongement du délai pour mener un avortement en toute légalité. Il a dû reculer. L’avant-projet de loi fixe un minimum de 140 jours, soit 20 semaines de grossesse. Mais il n’y aura pas de majorité alternative sur l’IVG. Donnant-donnant.
Source: Belgicatho