A quoi sert la doctrine sociale de l’Eglise ?

A quoi sert la doctrine sociale de l’Eglise ?

Il y a une dizaine d’années, nous n’étions pas très nombreux à nous consacrer à la doctrine sociale de l’Eglise. Après un engouement au milieu du XXème siècle, l’intérêt est retombé à proportion du désengagement socio-politique des catholiques. Avec cette double désaffection, nous percevons déjà un des enjeux de la DSE, l’action. En parallèle de ce que nous pouvons qualifier de répulsion du politique par les catholiques, nous avons été accaparés par un autre combat qui nous a semblé plus pressant. Suite à Humane vitae de Paul VI et aux nombreuses agressions contre la vie, les catholiques se sont emparés par tous les bouts de ce combat. Ils se sont formés, engagés, démenés mais aussi déchirés entre eux.

Et ce combat se poursuit au rythme croissant des agressions contre la vie menacée. Ce faisant et sans rien retirer de l’urgence de cette lutte, nous avons isolé un aspect, nous nous sommes concentrés sur une seule bataille, la coupant, comme une redoute isolée, de la guerre générale qui se livre sous tous les autres fronts. Le fusil de plus en plus défensifs, acculé derrière de fragiles barricades, nous avons perdu de vue un autre document majeur de Paul VI, un document repris comme fil rouge par Benoit XVI dans son encyclique Caritas in veritate. Avec Populorum progressio, Paul VI rappelait, l’apport essentiel de l’Eglise au discours politique, à savoir tenir une vision globale de l’Homme. C’est le fameux développement intégral de tout l’Homme et de tout homme.

Cette encyclique, comme l’ensemble du corpus de doctrine sociale, pose sur la personne humaine un regard global et unifié que le pape François reprend dans la dernière encyclique sociale Laudato si ‘ : tout est lié. Se battre et se former en doctrine sociale c’est poser le combat pour la vie au cœur d’un enjeu plus vaste qui concerne le développement humain intégral. On ne peut défendre le début et la fin de la vie sans défendre la vie qui s’écoule entre le début et la fin, car aujourd’hui tout est menacé.

L’Homme est déshumanisé, écartelé entre transhumanisme, post-humanisme, négation de l’âme, perte de liberté, refus de la nature et peur du vide, liée à la peur de vivre et de mourir. On se demande, du reste, si avoir focalisé les catholiques sur la défense de la vie n’était pas une stratégie du démon pour nous faire déserter le terrain social et politique. Or, à longueur de documents, le magistère rappelle que la politique est un service éminent de la charité.

Il est paradoxal et tellement démoniaque de voir cette inversion du sens profond des choses. La politique, service de la charité désertée parce que vue comme domaine réservé du mal, est fuie par les catholiques. Outre l’œuvre du démon, toujours prompt à déformer et mentir, il y a derrière cette désertion, une peur liée au manque de formation.

Les catholiques sont réputés (et moqués dans les milieux protestants) pour leur manque de formation. Ce qui est encore une fois paradoxal quand on connait le trésor immense de ses intellectuels et du magistère. Mais l’absence de formation à ceci de particulier qu’elle nourrit les phobies (peur de l’inconnu) et paralyse l’action. On ne peut agir que si l’on sait et comprend. N’étant plus habitués au monde politique, distancés par les nouveaux codes et englués dans le rythme quotidien du monde économique, les catholiques ne comprennent plus le monde qui les entoure et surtout n’ont plus les clefs de lectures chrétiennes pour le lire.

Telle est l’utilité de la doctrine sociale de l’Eglise. Trop souvent, on me demande des recettes toutes faites. Mais la DSE n’est pas un code d’action, un recueil de cas. La DSE est un ensemble de clefs pour agir. Elle repose sur une connaissance de l’Homme à acquérir, une vision de la société à comprendre, une civilisation de l’amour à mettre en acte.

On n’apprend pas la Doctrine sociale de l’Eglise comme un code de droit, on la rumine, on la fait sienne, comme un une seconde peau. C’est au fond un reflexe à l’action en société, une capacité à discerner à agir en vue du bien, en toutes circonstances sans cesse mouvantes et uniques de la vie.

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