313 et la liberté religieuse – Une vieille innovation

313 et la liberté religieuse – Une vieille innovation

« Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion ; ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction, seule ou en commun, tant en public qu’en privé, par l’enseignement, les pratiques, le culte et l’accomplissement des rites. » (Déclaration universelle des droits de l’Homme, article 18).

En dépit de cette Déclaration, la liberté religieuse ne va de soi dans notre monde. En France même, il y a débat sur ce que recouvre la notion de liberté religieuse et sur les formes qu’elle peut ou doit prendre au quotidien.

I. La liberté religieuse : un droit humain en question

1. La Déclaration universelle des Droits de l’Homme, énoncée en 1948 à l’issue de la deuxième guerre mondiale, a été conçue dans les cadres de la pensée occidentale.

Déjà en France, en 1789, la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen proclamait : « Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, mêmes religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la loi. » ( Article10). Ceci implique que chaque individu humain est considéré comme une personne susceptible d’avoir une opinion personnelle, de poser des choix, d’assumer en son nom propre des croyances ; qu’elle n’est pas un simple élément d’un groupe dont elle aurait à épouser en toutes choses les points de vue et les comportements . Ceci ne va pas de soi partout et en tous temps.
Affirmer la liberté religieuse, c’est reconnaître à l’être humain, posé comme sujet, la liberté d’opinion et de croyance en matière religieuse, le droit de croire ou de ne pas croire en un ou des dieu(x), le droit de rendre un culte à la divinité, en privé et en public, sous réserve de ne pas troubler l’ordre public.
C’est ce que reconnaît en France la loi du 9 décembre 1905 : la République assure la liberté de conscience, garantit le libre exercice des cultes.
La Constitution de 1946 affirme que tout être humain a des droits inaliénables et sacrés « sans distinction de religion ou de croyance » et celle de la Ve République, en 1958, le répète et ajoute qu’elle « respecte toute les croyances », religieuses, philosophiques ou autres.

déclaration DH

2. De nos jours, dans bien des régions du monde, la liberté religieuse n’a pas cours.

Ce droit considéré comme universel, fondamental, inaliénable et sacré par certains, n’existe pas et même n’a pas de sens pour d’autres.
Revendiqué par les minorités religieuses persécutées, réclamé par diverses autorités religieuses et morales, ce droit n’est pas admis dans certains pays, ou il est bafoué dans les faits, même si son principe est posé ; dans certains cas, parce que des idéologies totalitaires le contestent, dans d’autres, tout simplement parce qu’il est impensable, incompatible avec les structures mentales, les représentations, les modes de vie de peuples différents des sociétés occidentales où il a été formulé.

3. En France, il est actuellement admis que le principe de laïcité assure la liberté religieuse en l’encadrant.

Notons que le terme de laïcité est inconnu et n’a parfois aucun sens pour des personnes qui arrivent en France en ne possédant ni le mot pour le dire dans leur langue, ni le concept pour le penser dans leur culture.

Quand on énonce que le principe de laïcité assure à chacun la liberté de croire ou de ne pas croire, ainsi que la liberté de changer de conviction religieuse, on se place sur le plan du « croire », et le droit de se convertir sous-entend que changer de croyance, de foi, se fait par une décision libre. Ceci est pensé dans le cadre de religions fondées sur une croyance, sur une foi, dont découlent des pratiques de culte ; or il peut y avoir des religions non fondées sur une adhésion personnelle de foi mais sur l’accomplissement de rites communautaires et, de ce fait, identitaires.

Certains considèrent que le principe de laïcité, garantie de la liberté religieuse, est de nos jours « remis en cause », non pas parce que, comme c’est le cas en d’autres lieux, il n’est pas garanti par l’État, mais parce que d’aucuns, pour des motifs religieux, contestent des valeurs essentielles de la République ; ce qui implique qu’ils abusent du principe de liberté religieuse et mettent en cause le « vivre ensemble » harmonieux ; l’enjeu est ici de consolider la communauté nationale.
Or il apparaît que certaines revendications , au nom de la liberté religieuse, peuvent nuire à la cohésion d’une société. On rejoint là le cas de figure où une seule religion est constitutive de l’identité socio-politique d’une nation et où tout choix personnel revendiqué par un de ses membres met en péril la cohésion du groupe, voire, dans le cas d’une cité antique, sa survie même.

 

Un dossier proposé par Françoise Thelamon, professeur émérite d’histoire du Christianisme, université de Rouen

Source Cyrano.net

Liberté religieuse (2/4) Cohésion religieuse et survie de la cité

 

La liberté religieuse : une innovation il y a 17 siècles (3/4)

 

Liberté religieuse (4/4) l’entrevue de Milan et l’édit de 313

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