« Nous sommes pris dans la spirale de la guerre ! »

« Nous sommes pris dans la spirale de la guerre ! »

Agnès est Libanaise et chrétienne. Elle vit à Beyrouth avec son mari et leurs deux enfants.

On parle beaucoup de la Syrie, un peu moins du Liban… Comment va le Liban ?

Mal, très mal ! À nouveau beaucoup de familles libanaises choisissent de s’exiler ou de “rentrer au pays” si elles ont une autre nationalité.

Les chefs chrétiens peinent à s’entendre politiquement… Comment réagissent les fidèles ? Lassés ? Trahis ? Excédés ?

Un peu de tout, en fait. Je crois que nous ne les écoutons même plus. Nous n’avons plus confiance en personne malgré nos convictions. Dieu seul reste !

Des attentats ont récemment frappé le village chrétien d’Al Qaa. Cela fait-il peur aux communautés chrétiennes ?

Le choc a été très grand parmi les chrétiens, même si les médias internationaux en ont peu parlé.
Notre réaction est un mélange de peur, de colère et de lassitude. Ce village d’Al Qaa et les autres villages chrétiens de la région (Bekaa) subissent tant de souffrances depuis l’arrivée des réfugiés syriens. Ils ont pourtant beaucoup aidé les populations syriennes et, finalement, cela se retourne contre eux. On a vu, pour la première fois dans les médias libanais, les villageois d’Al Qaa s’armer un goût de déjà-vu !

Comment s’invite la guerre syrienne dans votre quotidien ? Avez-vous peur d’un embrasement du Liban ?

La guerre syrienne s’invite socialement (démographiquement ?) et économiquement dans notre quotidien.
Nous avons des voisins syriens dans nos immeubles, des élèves syriens dans nos écoles, des livreurs, des chauffeurs de taxi syriens, des mendiants syriens dans nos rues…
Par exemple, nous vivons dans un quartier populaire chrétien, mais nous avons désormais beaucoup de Syriens qui logent parmi nous. En grande majorité des musulmans.
La conséquence directe est que je subis le rythme de vie de mes voisins syriens qui mangent, reçoi¬vent et parlent toute la nuit durant le mois de Ramadan.
C’est un choc pour nous et certaines nuisances parfois, malgré la politesse de nos voisins. Ce sont aussi des familles qui arrivent de leurs campagnes bien différentes de la vie à Beyrouth.
Nous sommes souvent sollicités par des ONG libanaises pour donner, pour aider des familles.
Je crois que l’embrasement est déjà là, mais cela se fait à petit feu : Tripoli, la Bekaa, les camps palestiniens de Saïda vivent déjà au rythme de la guerre de Syrie. Nous sommes déjà pris dans la spirale, mais nous faisons semblant de ne pas le voir.

Et pourquoi continuez-vous à tant aimer le Liban ?

J’aime le Liban, parce que c’est mon pays, celui de ma famille. Et puis, comment ne pas aimer le Liban ?

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