Edito #5 : Fillon une victoire catho, un vote inutile ?

Edito #5 : Fillon une victoire catho, un vote inutile ?

edito5-vote-catho-primairepourtousNous aimons d’ordinaire faire le tour de l’actualité internationale catholique, pour donner à nos lecteurs une vue d’ensemble de cette incroyable effervescence qui anime l’Eglise et ses fidèles. Cette semaine eut pu être tout particulièrement consacrée à la clôture de l’année de la Miséricorde, aux multiples initiatives caritatives, ou au dernier consistoire. Mais pour une fois, c’est bien l’actualité française qui retient notre attention, puisque les catholiques viennent de se trouver propulsés sur la scène médiatico-politique nationale avec le score inattendu de François Fillon.

Sans revenir sur la volte-face des médias et des sondeurs dans les jours précédant le vote, afin sans doute de ne pas perdre encore plus de crédibilité avec la sortie des urnes d’un candidat qu’ils n’auraient pas vu venir, il y aurait pourtant bien des choses à dire du point de vue catholique. La première chose qui frappe l’observateur, c’est que cette population catholique que l’on annonce partout en déclin et moribonde vient de faire une percée sans complexe dans l’aire médiatique. Et, finalement, les catholiques apparaissent comme les grands vainqueurs de cette primaire, même si les journalistes exagèrent le trait espérant nuire à celui qui n’est pas leur poulain.

Pourtant, Fillon, avec ses 44%, est décrit comme la victoire de la droite catholique. Et Alain Juppé doit être bien persuadé de cela puisque sa première grande interview consiste à faire de l’œil aux amis du pape François. Comment expliquer que les catholiques soient ainsi courtisés et en même temps agités comme un épouvantail ? Courtisés, ils l’ont été depuis le début par François Fillon qui pourtant déclarait ne pas être le candidat des catholiques. Le ralliement de Sens Commun en a fait le noyau dur du camp Fillon alors assez peu soutenu par ailleurs. Mais cela ne suffit pas à expliquer ces yeux doux faits aux catholiques. Jean-Frédéric Poisson, avec une campagne radicalement ancrée dans les valeurs chrétiennes, a forcé Sens Commun et François Fillon, inquiets de perdre des voix de ce côté-là. La Manif pour tous a également appuyé la dynamique Poisson dans le sens d’une exigence de plus grande clarté sur la famille, la filiation et autres enjeux portés par les conséquences des lois sociétales de la gauche au pouvoir.
A peu de choses près, les programmes économiques des candidats se ressemblaient trop pour faire la différence. L’islam et l’immigration auraient pu cliver, mais ce furent la famille et la morale (ce qu’on appelle pudiquement « lois sociétales ») qui dominèrent le débat, même si les journalistes se sont évertués à taire ces questions. Alors, évidemment, la victoire apparaît comme celle des conservateurs donc des cathos de droite. Et voici les catholiques bien surpris de se retrouver au cœur du débat et par contre coup courtisés par Alain Juppé qui ne peut aller trop loin dans ses yeux doux au risque de tomber sous le couperet médiatique diabolisateur. Car ce vote catho reste pour la soldatesque médiatique un épouvantail brandi pour servir la cause de leur poulain résolument plus moderne.

Les grands vainqueurs de ce premier tour, contre toute attente, sont donc les catholiques et les fondements de la morale qu’ils défendent, c’est-à-dire en termes plus policés, leur vision de civilisation.

Que vont-ils donc faire de cette victoire ? Que peuvent-ils en faire ? François Fillon désormais lancé de façon stable dans la course va-t-il garder ce cap libéral conservateur ou va-t-il être tenté de lâcher du lest pour assurer son assise ? Les attaques dont il fait l’objet vont-elles le détourner de cette ligne ? C’est là que nous pouvons voir les limites d’un vote utile qui ne laisse aux catholiques que le choix de suivre. Sauf à considérer que 40% des voix étaient celles des catholiques convaincus qui auraient pu voter Jean-Frédéric Poisson, il semble que François Fillon eut pu se passer du vote utile. Et finalement, le vote utile aurait bien pu être celui qui donnait aux catholiques le rôle d’arbitre, négociant son ralliement au maintien ferme, voire accentué de la position conservatrice du challenger.

Les catholiques sont donc bien plus importants et considérés que la classe médiatico-politique ne l’entend. Et ils ont pu imprimer leur marque, même s’ils ne constituent sans doute pas la masse de l’électorat Fillon. Mais l’écho qu’on leur prête témoigne du travail de reconquête de l’espace public opéré par divers biais depuis le réveil que nous devons à Madame Taubira.

Il leur reste cependant une carte à jouer pour tenir le candidat au collet, la menace du vote blanc. Si l’électorat est bien à dominante catholique, un retour en arrière du candidat Fillon, qui l’alignerait peu ou prou sur Alain Juppé, devrait alors se manifester par une désaffectation massive des catholiques. Les jeux ne sont pas faits, ni pour l’ancien Premier ministre, ni pour cette civilisation fondée sur l’amour vrai à laquelle les papes appellent à la suite du Christ.

Civilisation que nous voyons poindre çà et là comme autant de surgissements et d’émerveillements dans l’actualité mondiale que vous pourrez retrouver, comme chaque semaine, et quotidiennement, sur InfoCatho.

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