IXe Assemblée nationale des représentants catholiques : les «signaux positifs» attendus par le Saint-Siège ne semblent pas être au rendez-vous
Ce 29 décembre après-midi, dans la capitale chinoise, la IXe Assemblée nationale des représentants catholiques (déjà évoquée ici) s’est achevée par un salut au Saint-Sacrement en la cathédrale de Pékin, cérémonie présidée par Mgr Ma Yinglin, évêque illégitime de Kunming, qui avait été reconduit la veille dans ses fonctions de de président du Conseil des évêques catholiques de Chine. La démarche, pour ecclésiale qu’elle soit, ne cache pas la tonalité très « officielle » d’une assemblée qui, durant les trois jours qu’elle a duré, a été placée non sous la direction de responsables de l’Eglise catholique mais de hauts dirigeants gouvernementaux chinois.
Du 27 au 29 décembre, la présidence de l’assemblée a en effet été assurée par Zhang Yijiong, vice-directeur du Département du Front uni, l’instance sous laquelle sont placées les religions officiellement reconnues en Chine populaire. Et, avant de se déplacer à la cathédrale de Pékin, les 365 délégués de la IXe Assemblée nationale des représentants catholiques avaient été reçus dans le Grand Hall du peuple, place Tiananmen, par Yu Zhengsheng, membre du Comité permanent du Bureau politique du Parti communiste et président de l’Assemblée consultative du peuple chinois, la deuxième Chambre du Parlement chinois, ainsi que par Liu Yandong, Vice-Premier ministre, et Sun Chunlan, directrice du Département du Front uni.
Une Assemblée entre les mains du pouvoir en place
La qualité et le nombre de ces hauts responsables chinois disent assez combien cette Assemblée nationale des représentants catholiques, présentée par la Chine comme l’instance souveraine de l’Eglise catholique en Chine, est bien une institution voulue et dirigée par le gouvernement chinois. Et non une expérimentation propre à l’Eglise de Chine qui, dans une démarche synodale inédite, chercherait à associer prêtres, religieuses et laïcs à la direction de l’Eglise locale.
Convoquée juste après Noël, cette « IXe Assemblée nationale des représentants catholiques » a réuni pendant trois jours, dans un hôtel de la capitale, 365 délégués venus de tout le pays, soit 59 évêques, 164 prêtres, 30 religieuses et 112 laïcs. L’une des tâches de l’assemblée était de renouveler les dirigeants des instances « officielles » de l’Eglise de Chine, six ans après la VIIIe Assemblée, qui s’était tenue en 2010. Tâche dont se sont acquittés les délégués en élisant le 28 décembre les personnalités qui assumeront durant les cinq prochaines années la direction de l’Association patriotique des catholiques chinois et celle de la Conférence des évêques « officiels » de Chine.
La désignation de ces responsables s’est fait par élection, pour autant que l’on puisse utiliser ce terme dans un système où le résultat des consultations électorales est décidé en amont par les instances dirigeantes chinoises. Comme en 2010, Mgr Ma Yinglin, évêque illégitime de Kunming, dans le Yunnan, a été reconduit à la tête du « Conseil des évêques catholiques de Chine », le nom de l’instance qui réunit les évêques « officiels » de Chine et qui n’est pas reconnue en tant que Conférence épiscopale par le Saint-Siège. Du côté de l’Association patriotique des catholiques chinois, c’est Mgr Fang Xingyao, évêque de Linyi (dans le Shandong), prélat reconnu par Rome mais connu pour sa proximité avec les autorités chinoises et ayant participé à de nombreuses ordinations illégitimes, qui a été reconduit à la présidence de cette instance fondée en 1957 qui sert de courroie de transmission du Parti et du gouvernement sur l’Eglise de Chine.
Au final, sur les huit évêques illégitimes, c’est-à-dire ceux qui ne sont pas en communion avec Rome, on en dénombre six figurant parmi les instances dirigeantes du Conseil des évêques et de l’Association patriotique. Une proportion élevée si l’on considère que ces six évêques siègent parmi un total de 19 vice-présidents (1).
Mise en avant du principe d’« indépendance » de l’Eglise
A l’heure actuelle, les informations manquent sur la teneur des débats qui ont été ceux de cette IXe Assemblée. Il semble que les constitutions de l’Association patriotique et du Conseil des évêques ont été quelque peu modifiées, mais rien n’a filtré sur le contenu de ces modifications. Le ton général des informations disponibles ne donne toutefois pas à croire à des réformes significatives de ces structures officielles.
Pour l’essentiel, cette IXe Assemblée semble devoir donc avoir débouché sur une reconduite massive des équipes dirigeants sortantes. Si l’atmosphère des débats paraît avoir été moins pesante en comparaison de celle de la VIIIe Assemblée de 2010, le discours prononcé devant les délégués par Wang Zuo’an, directeur de l’Administration d’Etat des Affaires religieuses, l’instance gouvernementale qui chapeaute la politique religieuse du pouvoir en place, n’a montré aucune inflexion par rapport à la ligne affirmée ces dernières années.
Le 27 décembre, dans l’auditorium de l’hôtel Tian Tai de Pékin où étaient rassemblés les 365 délégués, Wang Zuo’an a mis en avant les principes d’« indépendance » qui doivent présider à la politique religieuse de la Chine, avec, pour l’Eglise catholique, la nécessité de se « siniser » toujours plus, une notion mise en exergue en avril dernier par le président Xi Jinping lors d’un discours prononcé devant le Front uni. Derrière ces deux notions d’indépendance et de sinisation se trouve l’idée qui est à la base de la politique religieuse du Parti communiste, à savoir que les religions en Chine n’ont droit de cité que si elles sont autonomes par rapport à toute puissance étrangère et qu’elles se mettent au service du développement de la nation tel que celui-ci est défini par le gouvernement chinois.
Pékin attend une attitude « plus flexible » de la part du Saint-Siège
Sur la question des relations avec le Saint-Siège, Wang Zuo’an a, selon une dépêche de l’agence Xinhua, expliqué devant les délégués que la Chine espérait « que le Vatican adopte une attitude toujours plus flexible et pragmatique afin de prendre les mesures à même de créer les conditions bénéfiques à des relations améliorées ». Le jour même, un éditorial du Global Times, quotidien connu pour sa ligne nationaliste, était plus clair dans l’expression de la volonté chinoise, à savoir que les « pré-requis » de la Chine pour « un dialogue constructif » avec le Vatican étaient « la reconnaissance de la Chine unique » (à savoir la rupture des relations diplomatiques que le Saint-Siège entretient avec Taiwan) et « la non-ingérence dans les affaires intérieures de la Chine » (point qui comprend, entre autres, la nomination des évêques par le pape).
Le 20 décembre dernier, à l’approche de la réunion de la IXe Assemblée, le Saint-Siège avait précisé à la presse que sa position concernant cette assemblée, une instance qui n’a pas de légitimité dans l’organisation normale de la vie de l’Eglise, était « bien connue », tout en ajoutant qu’il « réservait son jugement en se basant sur des faits prouvés ». Le communiqué du Saint-Siège se concluait par ses termes : « En attendant, il est certain que tous les catholiques en Chine attendent avec impatience des signaux positifs, qui les aident à avoir confiance dans le dialogue entre les autorités civiles et le Saint-Siège, et à espérer en un avenir d’unité et d’harmonie. »
S’il est sans doute trop tôt pour savoir si Rome a arrêté son jugement sur l’issue de cette IXe Assemblée, force est de constater que ce qui est connu des travaux de cette assemblée ne dénote d’aucun changement : Pékin a réaffirmé sa mainmise sur les instances « officielles » de l’Eglise, tout en prenant garde à ne pas poser de gestes qui contraindraient le Vatican à rompre les négociations menées entre les deux parties depuis maintenant près de deux ans. Quant aux éventuels « signaux positifs » attendus par le Saint-Siège (on aurait pu, par exemple, s’attendre à ce qu’un évêque en communion avec Rome, plutôt qu’un évêque illégitime, soit choisi pour présider le Conseil des évêques « officiels »), nulle trace.
Source : Eglises d’Asie